26
Juin
l'aggravation situationnelle

Quand le besoin en tierce personne évolue dans le temps

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Le besoin en tierce personne constitue l’un des postes de préjudice les plus sensibles et les plus humains : il s’agit de reconnaître qu’une personne, du fait de son handicap, ne peut plus accomplir seule certains actes essentiels de la vie quotidienne, et qu’elle a donc besoin d’une aide extérieure – que celle-ci soit fournie par un professionnel ou un proche.

Mais ce besoin, loin d’être figé dans le temps, peut évoluer. Et c’est là qu’intervient une notion encore insuffisamment connue : l’aggravation situationnelle.

Qu’est-ce que le besoin en tierce personne ?

Le besoin en tierce personne est évalué lorsqu’une victime présente une incapacité, temporaire ou permanente, à effectuer des actes de la vie courante (se laver, s’habiller, se nourrir, se déplacer, assurer sa sécurité...). L’indemnisation vise à compenser le coût de cette assistance.

Ce besoin peut être reconnu même en l’absence de soins médicaux continus : il suffit que la victime ne puisse plus vivre seule de manière autonome.


Quand la situation de la victime change : l’aggravation situationnelle

Parfois, ce besoin augmente, non pas à cause d’une dégradation de l’état de santé à proprement parler, mais en raison d’un changement de contexte de vie : on parle alors d’aggravation situationnelle.

Voici quelques exemples concrets :

  • Une victime jusque-là aidée par ses parents entre dans un logement autonome, nécessitant désormais la présence d’une aide professionnelle quotidienne ;

  • Une situation familiale évolue : le conjoint aidant est hospitalisé ou décède ;

  • Un enfant handicapé entre dans un établissement scolaire ordinaire, ce qui nécessite un accompagnement spécifique supplémentaire (AVS, transport adapté...) ;

  • Le vieillissement de l'entourage aidant rend leur soutien moins efficace, voire impossible.

Dans toutes ces hypothèses, ce n’est pas l’état physique ou cognitif de la victime qui s’aggrave, mais les circonstances de vie qui évoluent – et font émerger un besoin d’assistance plus important.


Reconnaissance et indemnisation de l’aggravation situationnelle

Il est essentiel que cette aggravation soit reconnue dans le cadre d’un recours en aggravation ou d’une nouvelle expertise. La jurisprudence admet de plus en plus que les circonstances nouvelles de la vie de la victime doivent être prises en compte, même si le handicap reste médicalement stable.

L’aggravation situationnelle peut donc justifier :

  • Une révision à la hausse de l’indemnisation initiale du besoin en tierce personne ;

  • Une revalorisation de la rente versée ;

  • La prise en charge de nouvelles dépenses d’assistance, de coordination ou d’adaptation.


Le rôle de l’avocat dans la défense de ces situations

L’identification d’un besoin en tierce personne accru nécessite une vigilance constante. L’avocat spécialisé doit :

  • -Analyser l’évolution de la situation de la victime au-delà du seul dossier médical ;

  • -S’appuyer sur des bilans d’ergothérapeutes ou d’experts médico-sociaux ;

  • -Démontrer l’impact concret de la nouvelle situation sur l’autonomie et la qualité de vie ;

  • -Engager, si nécessaire, une procédure de révision de l’indemnisation.

 

Jurisprudence récente : 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mai 2025, a reconnu le besoin en prothèse de bain d'une victime qui voulait pouvoir se baigner avec ses enfants. Elle n'avait pas fait cette demande initiallement car elle n'avait pas d'enfant. Sa demande, initiallement jugée prescrite, a été admise par la cour de cassation.

 


Conclusion : adapter la réparation à la réalité vécue

Le droit à une réparation intégrale implique que la prise en charge évolue avec la réalité de la vie des victimes. Le besoin en tierce personne ne s’arrête pas à la sortie de l’hôpital, ni à la stabilisation de l’état de santé. Il suit les étapes de la vie, avec ses contraintes nouvelles, ses pertes de relais, ses changements de lieu de vie ou de scolarisation.

L’aggravation situationnelle rappelle que la réparation du préjudice corporel n’est pas figée : elle doit rester vivante, ajustée et humaine.

Le 24 juin 2025

 

Arrêt de la Cour de Cassation du 28 mai 2025Cliquer 

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