
Comment prouver le lien de causalité entre l'accident et le décès?
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Responsabilité médicale : la preuve du lien de causalité au cœur du procès
Dans le contentieux de la responsabilité médicale, la question de la preuve est souvent décisive. La victime d’un dommage lié à un acte médical doit non seulement démontrer l’existence d’une faute ou d’un aléa médical engageant la responsabilité, mais surtout établir un lien de causalité entre l’acte en cause et le préjudice subi.
La Cour de Cassation a admis la preuve du décès par présomptions graves précises et concordantes.
Ce lien, parfois ténu ou complexe à identifier, est pourtant la clé d’une indemnisation. Dans cet article, nous revenons sur les principes juridiques encadrant cette exigence de preuve et les subtilités propres au droit de la responsabilité médicale.
La charge de la preuve en matière médicale : un principe clair, une mise en œuvre délicate
Le principe reste celui de l'article 1353 du Code civil : "Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver." Autrement dit, c’est à la victime de prouver que le dommage qu’elle invoque résulte d’une faute médicale, d’une infection nosocomiale, d’un aléa thérapeutique indemnisable, ou encore d’un défaut d’information.
Mais en pratique, cette preuve est particulièrement difficile à rapporter pour un patient : l’asymétrie d’information entre le corps médical et la victime, la technicité des actes médicaux, la complexité des dossiers et des expertises médicales en font un terrain juridique exigeant.
Le lien de causalité : direct, certain… ou simplement probable ?
Dans le cadre d’un contentieux en responsabilité médicale, le lien de causalité doit être établi entre l’acte médical (ou son absence, son défaut ou son erreur) et le dommage invoqué.
Cependant, la jurisprudence admet désormais que ce lien n’a pas à être démontré avec une certitude absolue. Il suffit qu’il soit direct et certain dans son principe, même si son étendue reste incertaine.
De plus, les juges ont reconnu, dans certains cas, la possibilité pour la victime de s’appuyer sur des présomptions graves, précises et concordantes pour établir ce lien, notamment lorsque l’acte médical en cause est suivi immédiatement d’un dommage anormal ou inexpliqué.
📌 Exemple : une patiente subit une intervention bénigne, mais développe dans les heures qui suivent une complication grave sans explication médicale plausible. En l'absence d'autres causes, un lien de causalité présumé peut être reconnu.
Causalité en matière de défaut d’information : une appréciation particulière
Lorsqu’une victime invoque un défaut d’information, la preuve du lien de causalité suit une logique différente.
La Cour de cassation admet qu’il faut démontrer que, mieux informée, la personne aurait pu renoncer à l’acte médical, et donc éviter le dommage. Ce lien de causalité est ici psychologique et subjectif, mais il est apprécié in concreto, au regard de la personnalité de la victime, de ses antécédents médicaux, de sa capacité à comprendre les risques...
L’apport de l’expertise médicale : élément pivot de la preuve
Dans la quasi-totalité des dossiers de responsabilité médicale, l’expertise (amiable ou judiciaire) joue un rôle fondamental.
L’expert médical, par son indépendance et sa compétence technique, éclaire le juge sur :
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-La réalisation ou non d’une faute ou d’un manquement,
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-L’existence et l’intensité du dommage,
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-Et surtout le lien de causalité médicalement envisageable entre les deux.
Mais il revient toujours au juge de tirer les conséquences juridiques de cette expertise, notamment si le lien est simplement "plausible", "possible", "probable" ou "certain".
Jurisprudence récente:
Dans un arrêt du 28 mai 2025, la Cour de Cassation a admis la preuve par présomptions graves, précises et concordantes:
"Pour rejeter les demandes des consorts [N], l'arrêt retient que si l'épilepsie constatée chez [Z] [N] depuis décembre 2004 est imputable de façon, directe, certaine et exclusive à l'accident de 1987, il en va différemment de la cause de son décès, dès lors que l'hypothèse émise par l'expert du décès à la suite d'une crise d'épilepsie et qualifiée de fortement probable par lui, n'a pas été confirmée par l'autopsie qui a mis en évidence que la cause du décès est constituée par un arrêt cardio-respiratoire en rapport avec un oedème pulmonaire et un oedème cérébral.
10. Il ajoute qu'un faisceau d'indices ne permet pas de caractériser le lien de causalité exigé entre le fait générateur et le dommage, et ce d'autant que la cause du décès est déterminée.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le lien de causalité entre le décès de [Z] [N] et une crise d'épilepsie, elle-même causée par l'accident, n'était pas établi par des présomptions, graves, précises et concordantes résultant des pièces produites, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."
Allègement de la preuve dans certains régimes spéciaux
Il convient de rappeler que dans certains cas, la loi prévoit un régime d’indemnisation sans faute, notamment via l’ONIAM (infection nosocomiale grave, accident médical non fautif, aléa thérapeutique...).
Dans ces hypothèses, la victime doit prouver :
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-L’acte médical,
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-Le dommage anormal,
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-Et le lien de causalité entre les deux,
Mais sans démontrer de faute, ce qui constitue un réel allègement de la charge probatoire.
Conclusion : l’avocat, guide indispensable dans la construction de la preuve
Prouver le lien de causalité en responsabilité médicale nécessite une stratégie rigoureuse : analyse du dossier médical, recours à un expert indépendant, anticipation des arguments de la partie adverse, construction d’un raisonnement fondé sur la logique médicale autant que sur les principes juridiques.
L’avocat spécialisé en réparation du préjudice corporel joue un rôle central dans la traduction juridique des réalités médicales vécues par la victime. Car sans preuve, il ne peut y avoir de réparation.
Le 25 juin 2025
FONTAINE-BERIOT AVOCATS: Cliquer
Arrêt de la Cour de Cassation du 28 mai 2025: Cliquer