
Appréciation de la perte de gains professionnels futurs par le Conseil d'Etat
La Perte de Gains Professionnels Futurs : Définition et Régime Juridique
La perte de gains professionnels futurs (PGPF) est un poste de préjudice patrimonial reconnu par la nomenclature Dintilhac. Elle vise à compenser la diminution ou la suppression des revenus d’une victime à la suite d’un dommage corporel, lorsqu’elle ne peut plus exercer tout ou partie de son activité professionnelle.
Définition selon la nomenclature Dintilhac
La nomenclature Dintilhac définit la perte de gains professionnels futurs comme "la perte ou la réduction définitive des revenus subie par la victime à la suite de l’incapacité permanente partielle ou totale consécutive à l'accident". Ce préjudice patrimonial s'évalue en comparant les revenus antérieurs de la victime avec ceux qu’elle est désormais en mesure de percevoir, compte tenu de son état de santé.
Le calcul de la PGPF repose sur :
- Les revenus antérieurs : le salaire ou les bénéfices réalisés avant le dommage.
- L’incapacité permanente : déterminée par un expert médical, qui évalue la capacité résiduelle de la victime à travailler.
- Les perspectives professionnelles : en tenant compte de la progression de carrière ou de l’évolution du secteur d’activité.
Régime juridique applicable
La PGPF est indemnisée dans le cadre du principe de réparation intégrale, selon lequel la victime doit être replacée, autant que possible, dans la situation qui aurait été la sienne sans l’accident.
L’indemnisation est attribuée après une évaluation détaillée des éléments suivants :
- Les justificatifs des revenus antérieurs : bulletins de salaire, bilans comptables pour les travailleurs indépendants, etc.
- Les impacts sur la carrière professionnelle : impossibilité d’occuper le même poste, réorientation forcée, ou retraite anticipée.
- Le lien direct avec le dommage corporel : démontrer que la perte de revenus est bien une conséquence de l'accident.
Jurisprudence récente
Quelques récentes décisions des cours d'appel:
- Cour d’appel de Nîmes, 2023 :
Dans cette affaire, la victime, souffrant d’une incapacité permanente partielle à 50 %, avait vu ses revenus diminuer drastiquement en raison de son impossibilité de reprendre une activité similaire. La cour a retenu l'existence d'une perte de gains professionnels futurs en se fondant sur l'expertise médicale et les justificatifs de revenus. Elle a confirmé une indemnisation couvrant les pertes projetées jusqu’à l’âge de la retraite. - Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2024 :
Un travailleur indépendant, victime d’un accident, avait dû mettre fin à son activité professionnelle. La cour a validé une indemnisation significative pour perte de gains professionnels futurs, après avoir tenu compte de ses bénéfices annuels moyens sur les trois années précédant l’accident et de l’absence de possibilité de reconversion professionnelle. - Cour d’appel de Paris, 2023 :
Dans une affaire où la victime contestait une indemnisation insuffisante, la cour a rappelé que la perte de gains professionnels futurs doit être rigoureusement justifiée. En l’espèce, les revenus postérieurs à l'accident étant compensés par d'autres prestations, la demande a été rejetée.
Conseil d'Etat, décembre 2024:
Une femme a conservé des séquelles d'un accident médical non fautif subi au CH de Roanne et a perçu à ce titre une indemnisation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. La Cour administrative d'appel de LYON, saisie du litige, avait limité à 2 années, la perte de gains professionnels de la victime. Le Conseil d'Etat a censuré l'arrêt de la CAA de LYON au motif que " En jugeant que Mme A... avait subi une perte de chance sérieuse de bénéficier, au sein de l'entreprise qui l'employait, d'une promotion représentant un gain de revenus important tout en évaluant alors qu'elle était âgée de 47 ans à la date de l'accident, le préjudice d'incidence professionnelle qu'elle a subi à une somme équivalant au différentiel de revenus entre ses revenus et ceux auxquels elle aurait pu prétendre correspondant à une période d'environ deux années seulement, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier. "
Le préjudice professionnel futur a été porté de 80 000 euros à la somme de 350 000 euros.
Conclusion
La perte de gains professionnels futurs constitue un préjudice majeur pour les victimes d’accidents corporels, impactant durablement leur situation financière. Une évaluation précise et rigoureuse, appuyée par des preuves solides, est essentielle pour garantir une indemnisation adéquate. La jurisprudence récente confirme l’importance de prendre en compte chaque situation particulière et de s’appuyer sur l’expertise médicale.
L'assistance d'un avocat spécialisé en matière d'accidents médicaux et réparation du préjudice corporel est fondamental pour présenter le dossier, apprécier les offres faites à la victime et la nécéssit éd'un recours.
Le 22 janvier 2025
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